Henri Michaux
Henri Michaux (1899, Namur - 1984, Paris)
Henri Michaux découvre la peinture à travers Klee, puis Ernst et De Chirico en 1925. Bien que proche d'Éluard, il formule quelques réserves à l'égard du Surréalisme : "Le merveilleux surréaliste est monotone, entre le merveilles et quoi que ce soit, je n'hésite pas, vive le Surréalisme. Le bain nous est excellent." (Le Disque vert n°1, 1925). Alors que les surréalistes s'engagent sur tous les fronts, littéraire, artistique, politique, Michaux entreprend de voyager. Ces voyages donnent lieu à des publications : Ecuador, 1929 (récit de son voyage en Amérique du Sud), Un barbare en Asie, 1933 (carnet de route de son périple en Asie), Arbres des Tropiques, 1942 (Brésil). Mais devenu peintre-poète, il se consacre dès 1935 autant à la peinture qu'à la poésie. Ses œuvres d'alors, de petit format, peintes à l'aquarelle et à la gouache, représentent des personnes et paysages imaginaires. À partir des années cinquante, il exécute des dessins à l'encre de Chine parfois de grande taille, où sa main trace avec rapidité et sans repentirs des formes en mouvement. Son expérience de la mescaline - faite à la demande d'un laboratoire pharmaceutique - lui fait dessiner, sous son emprise, des œuvres aux traits sismiques uniques dans son œuvre. Sa forte personnalité, sa poésie et son œuvre plastique totalement originale ont séduit les surréalistes ; mais Michaux, farouchement indépendant, n'a jamais adhéré à aucun mouvement bien qu'André Breton ait décrété que Michaux, au même titre que Péret, Artaud, Arp... demeurait un "modèle inimitable".
Site web : www.henrimichaux.org
"Henri Michaux commencera par détester la peinture, avant que la Chine ne la lui révèle. Déjà le poète de Qui je fus à Plume en passant par Ecuador, s’est affirmé comme l’une des voix original du siècle par l’acuité du regard porté sur les expériences dont les mots se font l’écho, par la singularité des angles d’attaque ou par l’étrangeté des créatures abordées. Il devient à la fois ethnologue et entomologiste des infra-mondes perceptibles à son seul regard ou audibles de lui seul mais dont il arrache au silence et à l’invisible les mœurs et mouvements. Pour Michaux, la peinture quand il commence à s’y adonner pleinement, est un exercice de libération – « je peins pour me déconditionner » - qui lui permet d’échapper à cette réflexion dont l’écrivain, asservi aux mots donc aux reflets d’une culture, d’un héritage, a tant de mal à s’éloigner. Mais si l’art, comme il l’écrit « est ce qui aide à tirer de l’inertie », il découvre aussi que ce qu’on libère d’un côté déclenche de l’autre ce que l’on avait peut-être pas prévu et sera, par exemple « amené à la symétrie » dont il était jusque là « l’adversaire décidé » ou « pris par le flux et la fragmentation ». D’où un combat qui précisément, à coups d’emportement, donnera à sa peinture sa singularité. "
Jean-Dominique Rey, Peintures de poètes, poèmes de peintres, Galerie Thessa Herold, 1997